Correspondance avec Skale Pierrehache

Publié le par le cénacle

Cher ami,

 Vos conseils furent, une fois de plus, avisés. Mes compagnons et moi-même avons compulsé quelques ouvrages des rayonnages de notre bibliothèque, qui, soit dit en passant, a désormais besoin d’un intendant et surtout d’un grand rangement (le classement y est abominable ! Pour tout dire, il est proprement inexistant… C’est un chaos sans nom, une ogresse n’y retrouverait pas ses petits) puisque cette tâche semble avoir été ignorée avec le plus grand zèle par feu Evandre Montdeneige. Imaginez-vous ? Nous avons déniché un très vieil exemplaire du Traité de Botanique de Jans Vertepalme, maroquin brun, dos plat, double filet doré et ornement losangé sur les plats, au cœur de l’étage consacré à l’Ordre de l’Equerre (et je ne prends que cet exemple car il est remarquable ! Combien avons-nous croisé de feuillets jonchant le sol… Une véritable forêt) entre une Histoire des Fondations de Cadwallon sous la Flamboyance et un essai scientifique local sur le Mouvement des Terres, Remarques sur les mouvances en Baronnie de Cadwallon et Réflexions sur ycelles  respectivement attribués à Manikhon et à Pilzenbir de Trembleroc. Ces deux noms vous sont-ils familiers ? Il me semble que nous pourrions les relier à l’histoire de la Passe de Trembleroc ainsi qu’à une éventuelle fonction magique de la tour du Guet aux Pierres, tout semble d’ailleurs, croyez-en mon nez, lié à ce cercle de runes naines et à cette octogonale percée dans le mur de ladite tour. Avez-vous vu ces signes gravés dans la partie basse des fondations ? Je vous en prie, si des éléments vous viennent en tête, faîtes-en part au plus vite à mes compagnons ou à moi-même, car je redoute que le temps ne joue contre nous… Nous ne pouvons nous permettre le moindre retard sur la Redoutable car au jour du Rendez-vous, Elle sera à l’heure, tenons-nous le pour dit !

 

Bien amicalement,

H.

Auriez-vous l’amabilité de jeter un œil sur ce petit croquis, fantaisie qui m’est venue dans la nuit, permettant l’ouverture de portes monumentales d’un édifice par l’effet d’un simple feu de bois ?
 

Maître Héron

Votre lettre m’a surprise, étant donné que vous y évoquez ce dont vous m’avez déjà entretenu. Mais vous êtes un ami des Nains et Kaolin Skaledur semble vous estimer. Aussi ai-je passé de longues heures au milieu des vélins du Collège. Voici ce que j’y ai découvert.

Pilzenbir de Trembleroc fut l’un des fondateurs de l’Equerre en Cadwällon. Vous devez savoir qu’à cette époque, les Nains de l’Equerre furent à l’origine d’un grand nombre de travaux à travers toute la Baronnie : constructions, restaurations etc. La tour du Guet aux Pierres fit parti de cette série de travaux.

L’une des runes naines que vous m’avez décrites est le Sceau, entendez la signature, de Pilzenbir de Trembleroc. Une légende persistante veut que les travaux de ce dernier furent étudiés, surveillés et entretenus à travers les âges par un ordre secret de Nains se considérant comme ses disciples. Malheureusement je suis incapable de vous en dire plus, si ce n’est que la dernière rune est celle de feu mon ami Grond Lourmarteau, gardien de la Grande Forge.

 Quant à la percée octogonale dont vous me parlez, je vais monter l’examiner de mes propres yeux. Même si elle à une fonction, peut-être s’agit-il d’une serrure, sachez que là où les hommes voient de la magie dans les constructions de l’Equerre, il n’y a que mécanismes ingénieux et savants agencements ; magie naine il est vrai !

Certains documents ont confirmé que l’Architecte Pilzenbir a effectivement conduit des études sur la mouvance de Monts Drakoniens mais je n’ai rien trouvé de probant sur ce sujet. Il vous faut savoir que de nombreux documents ont disparus lors d’un incendie voici plusieurs mois, d’où ma difficulté à pouvoir vous renseigner. Histoire des Fondations de Cadwällon sous la Flamboyance, auteur inconnu, est un ouvrage qui nous est connu et dont nous possédons une copie. Celui-ci nous sert de référence lorsque nous travaillons sur les puits ou les contreforts notamment. Mouvement des Terres, Remarques sur les mouvances en Baronnie de Cadwällon est un ouvrage que nous avions perdu dans l’incendie ; profane, vous n’avez aucune chance d’en saisir le sens. Sachez que Pilzenbir y parle de la façon dont bougent les montagnes, théorie plutôt fantasque pour un Nain, de la façon de prévoir ces mouvements et de leurs conséquences sur la modification des reliefs.

Je n’ai malheureusement rien pu trouver concernant un certain Manikhon. Tout ce que je puis vous dire à ce sujet est qu’il ne s’agit pas d’un nom Nain.

Enfin, en ce qui concerne votre système d’ouverture, je dois admettre qu’il est ingénieux quoi qu’un peu biscornu ! Il mérite cependant notre attention.

 

Bien amicalement, 

Skale Pierrache 

Maître d’œuvre de l’Equerre

 



Cher ami,

 
Je vous remercie tout d'abord pour votre prompte réponse, qui a eu le mérite de me remettre quelques idées au clair. Pardonnez mes radotages, le temps joue contre mon esprit parfois... Vous notez une chose très intéressante sur l'héritage de Pilzenbir de Trembleroc, qu'il nous faudra creuser plus en profondeur. La légende que vous évoquez porte peut-être un grand espoir: la connaissance de Pilzenbir est peut-être transmise et sauvegardée! Je vous prie de bien vouloir nous accorder une réponse, dès lors que vous serez revenu de votre expédition à la tour du Guet aux Pierres. La curiosité me taraude!

 

Bien amicalement,

H.


Cher Maître,

 
J’ignore si les récents évènements concernant notre ami Malissen vous ont été signalés : sachez qu’il est de nouveau libre, et toujours en ces murs. Si vous le jugez bon, vous pourrez en avertir Kaolin Skaledur. Nous n’avons guère eu le temps discuter depuis votre retour du Guet aux Pierres. Sachez tout d’abord que malgré le récent incendie à la Bibliothèque d’Onire, l’exemplaire de Mouvement des Terres, Remarques sur les mouvances en Baronnie de Cadwällon est intact et j’espère pouvoir vous le faire parvenir sans encombre avec cette missive, afin que vos copistes puissent enrichir votre bibliothèque d’un fac-similé. Vos indications m’ont intrigué. Et vous mieux que personne pouvez nous aider à trouver des réponses : si Grond Lourmarteau détenait l’héritage de Pilzenbir de Trembleroc, ainsi que paraît le signifier la juxtaposition de leurs noms à la tour de Guet, pensez-vous que nous puissions en retrouver des traces, dans les affaires de Lourmarteau, dans ses éventuelles correspondances, effets personnels, notes de recherches ? A-t-il laissé des travaux dans vos murs ? Si c’est le cas, me permettriez-vous de le consulter ? Un second point : l’espèce de « clef » que nous avons relevé au centre des runes naines sur le mur de la tour avait une forme précise. Je présume l’attachement tout particulier de votre ancien ami pour son marteau, et j’examinerais volontiers si cette même forme octogonale se retrouve sur son arme. Quoi de plus adéquat pour un Nain de forger une clef en forme de marteau ? J’ignore si mon intuition est exacte, toujours est-il qu’elle me taraude. La disparition de Lourmarteau a éveillé en moi des inquiétudes et je compte remédier autant que faire ce peut au problème de la Pestemétal. Me laisseriez-vous consulter vos recherches à ce sujet ? Je pense mettre au point un test pour reconnaître le métal corrompu, en utilisant, pour être bref, une base d’antimoine modifiée, saturée en oxydes cuivrés. Peut-être faut-il y incorporer une once d’acide formique par livre ? Je me demande si les résultats peuvent être probants avec d’autres oxydes (il me semble que le fer émettrait des résultats plus rapides mais poins précis quand au degré de corruption…). Que pensez-vous d’une poudre d’onyxium ? D’une base mercuriale ? Ou d’une solution soufrée ? Je compte préparer plusieurs poudres et les tester afin de contrôler leur efficacité en me rendant à la forge de Lourmarteau, dans quelques semaines. J’ignore quel en sera le résultat, mais ce mal est bien trop dangereux pour que nous puissions faire l’impasse dessus…

 
Un fait curieux a retenu notre attention la nuit dernière : non loin de la maison de Thanis, ne me demandez pas pourquoi nous y étions, se trouve, au sol, une dague sculptée. Savez-vous de quoi il en retourne ? Notre ami, l’astucieux Merlin, a évoqué l’hypothèse, séduisante, selon laquelle cette arme aurait pu appartenir à Urguemand lui-même…

 
Les noms de Puits-Ame, Souffre-Jour, Eidhélios, vous sont-ils connus ? Nous recherchons des informations sur ces sujets. Peut-être connaissez vous des choses que nous ignorons. J’ajoute ici un fait curieux : les horloges de la ville sont arrêtées, le temps à vaincu. Je pense demander au Baron, lorsqu’il sera rétabli, une autorisation pour former quelques personnes afin de réparer et entretenir toutes ces horloges. C’est une honte à voir… La ville regorge de curiosités…

 
Pardonnez les divagations d’un vieil homme. J’espère vous revoir en bonne santé. En attendant de vous retrouver, soyez assuré de mon indéfectible amitié.

 

H.


Maître Héron,

 
Sachez tout d’abord que votre exemplaire du Mouvement de Terres, Remarques sur les Mouvances en Baronnie de Cadwällon nous est bien parvenu ; il est en sécurité dans les murs du Collège et vous sera restitué sitôt sa copie achevée.

Les différentes missives que vous m’avez envoyées, m’inspirent un grand intérêt et traduisent l’espoir que Kaolin Skaledur a placé en vous et vos compagnons. Mais elles me troublent également.

Vous savez que les Nains de l’Equerre vous considèrent comme une personne loyale et de bonne compagnie ; cependant, et cela me déchire, vos recherches sur la fonction de la tour du Guet-aux-Pierres et l’héritage de Pilzembir de Trembleroc semblent toucher à des secrets séculaires de notre ordre et de notre Décan. Peut-être avez-vous appris, en nous côtoyant, que les Nains se soutiennent mutuellement. Ils se soutiennent et se protègent. Le culte que nous vouons parfois au secret, même s’il nous vaut amertume et ressentiment, nous a souvent été salutaire. Dans l’attente de l’avancement de mes propres recherches, je vous demande, en tant qu’ami, de cesser les vôtres et d’en mettre les traces écrites à l’abri ; ou de les faire disparaître.

Mais la déception que je risque de vous causer est bien le moindre de mes soucis. Votre dernière lettre, particulièrement, m’emplit d’inquiétude. Je vous aie déjà dit que le Pestemétal et son syndrome, la Peste de l’Ame, sont des armes mortelles de l’Ennemi. Rien de bon ne peut ressortir de leur étude. Si vous avez ne serait-ce qu’une once de confiance en moi, ou si vous vous sentez redevable envers moi et les miens, je vous conjure solennellement d’abandonner ce projet insensé !

Je vous en prie. Ne me maudissez pas. N’ayez aucune amertume envers moi. Je ne vous trahi pas ; je suis avant tout loyal envers les miens. Comprenez-vous ?

La dague dont vous me parlez est en effet, selon la légende, la lame avec laquelle Urguémand mit fin aux Fratricides. C’est, selon moi, ce que l’on appelle un esprit frappeur qui se réclame de l’âme de la dague. Vous devriez vous adresser à un Mage du Cryptogramme-magicien pour en savoir plus sur cet étrange phénomène.

Les noms de Puisâme et de Eïdélios me sont totalement inconnus. Par contre, je puis vous dire quelques mots sur le Collège du Souffre-Jour. Dans son testament, le Baron Erdhance de Rocheronde, ordonna à son fils, qui refusait de prendre sa succession, de passer un mois dans ce Collège ; et de rendre sa décision ensuite. Le Collège du Souffre-Jour se trouve, dit-on, sur une plage d’Urguémand. On dit aussi qu’il est protégé par la magie du Pollen, un puissant enchantement Lutin. L’enseignement qui est dispensé est le meilleur de l’Harmonde et a trait à des domaines aussi variés que la politique, l’escrime ou encore les beaux-arts. Ses élèves sont formés à devenir l’élite de l’Harmonde et ses professeurs en sont, dit-on, les maîtres secrets… Tout cela est en vérité, foi de Nain, très exagéré !

Enfin, en ce qui concerne les horloges du Bas, je vous suggère d’économiser vos Sous ! Trop nombreuses, trop différentes, parfois dangereuses à atteindre, il vous faudrait lever une armée d’horloger pour les réparer et les entretenir !

Cher Maître Héron, j’aimerais poursuivre mais mon temps est compté. D’autres devoirs réclament mon attention. Je reprendrais contact avec vous lorsque j’en saurais plus sur les travaux de Pilzembir de Trembleroc. En attendant ce jour, prenez soin de vous et gardez vous des ombres.

Bien amicalement.

 
Skale Pierrache, maître d’œuvre de l’Equerre




Publié dans Cadwällon

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